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Le rap belge se réunit pour un concert unique

©Guillaume Kayacan

C'est une première dans notre Royaume. Roméo Elvis, STIKSTOF (Omar-G, Jazz, Astro, Rosko, DJ Vega), Caballero,

JeanJass, Coely, DVTCH NORRIS, Seyté, Senamo, Woodie Smalls s'échangeront leurs rimes et leurs punchlines sur la scène de Couleur Café pour un concert unique en son genre. Les artistes, francophones et néerlandophones, en ont profité pour livrer leurs sentiments concernant ce concert et le rap belge en général.

Interviews réalisées avant le concert du 3 juillet 2016

Vous allez bientôt être tous réunis sur une seule scène pour un concert unique. C’est une grande première en Belgique, un même show hip hop rassemblant francophones et néerlandophones. Ça vous inspire quoi ?

Caballero : Que du positif au final. C’est bien, on unit nos forces. Sans barrière, sans problème de culture.

Woodie Smalls : Je pense que les gens vont être surpris quand ils vont voir ce qu’il se passe en Belgique concernant le hip hop. C’est une très bonne chose.

Senamo : Au-delà du fait que ce soit une première, c’est vraiment cool pour le rap en général. Il y a un partage, peu importe d’où on vient.

Seyté : Ça montre aussi que, nous les jeunes, on n’est pas dans tous les conflits de communautés etc. C’est des trucs de politiques tout ça. On montre une bonne image. Nous, la jeunesse, on se fout de savoir si t’es flamand ou wallon.

Senamo : Surtout dans le milieu hip hop qui est toujours mal vu et plein de préjugés.

DVTCH NORRIS : En Belgique, on est plein de potentiels et les gens vont le voir. On peut en être fier. C’est plein d’espoir pour la suite.

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On est en 2016, pourquoi cela ne s’est-il pas fait plus tôt ?

Ca : Il a fallu le temps quand même. Il a fallu un déclencheur. Internet a joué ce rôle-là. Qu’on puisse nous voir, qu’on comprenne qu’on existe aussi en Belgique. C’est à ce moment-là que ça a commencé. De ce moment-là à aujourd’hui, je pense que c’est le temps qu’il fallait pour un tel événement. Pendant ce temps, de nouvelles têtes sont apparues aussi, ça a renforcé le déclic.

Sey : Il y a 10 ans, il y avait beaucoup moins de groupes de rap belges qui jouait en festivals aussi.

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Si vous pouvez rajouter un rappeur sur scène avec vous à Couleur Café, ce serait qui ?

JeanJass : Toute la famille avec qui j’ai déjà fait des morceaux.

Sey : Plein, plein. Difficile de mettre un nom sur un seul MC.

Ca : Plus on est de fous, plus on rit comme on dit.

D : Brihang pour rajouter un flamand. Ou aussi Bringhim qui rappe en anglais, il est super fort.

Omar-G (STIKSTOF) : Personnellement, avec BizzyBlaza, ça aurait été cool. Ou Mon aussi ! Il est très très fort dans ses lyrics. Ou Onze Zaak, un groupe qui vient de Genk.

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Comment vont se passer les répétitions pour ce show ?

Sey : On a deux jours de répétitions pour essayer de faire couler les morceaux les uns avec les autres. Voir un peu ce qu’on peut faire. Deux jours intenses.

Sen : Deux jours de Google trad.

Ca : On va en avoir besoin. Pour voir comment lancer des jeux avec le public aussi.

Coely : Je pense qu’on va bien rigoler !

O : Et puis, ça va être très intéressant au niveau des connaissances et des rencontres, pour peut-être faire des trucs ensemble après.

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La langue n’est pas une trop grande barrière à l’heure d’aujourd’hui dans le rap en Belgique ?

Ca : Si. J’écoute pas de rap néerlandophone en soi.

JJ : Parce qu’on comprend pas.

Ca : Ouais c’est ça. Mais si c’est en anglais, on a plus tendance à écouter. Mais on va pas se mentir, ça peut être une barrière.

Sen : Ce qui plait beaucoup dans le rap, c’est de comprendre les textes. Donc si tu comprends pas, tu t’y intéresses moins.

JJ : La langue c’est juste une barrière pour la compréhension des lyrics. Mais ça ne change rien à la musique.

Roméo Elvis : Ouais c’est ça. On écoute blindé d’artistes anglais, américains, sans savoir ce qu’ils disent. Enfin, ça dépend qui bien sûr.

Sen : Si l’instru est cool et que le gars kicke bien dessus, je prends. Tu te cales sur le beat, son flow et t’en oublies les lyrics. T’écoutes de la musique quoi.

Co : Mais ça ne nous empêche pas d’écouter du rap en français. En Belgique, j’adore Roméo Elvis et La Smala.

O : Oui nous aussi, on écoute vraiment plein de trucs : Tonino, Le Seize, JeanJass, Caballero, l’Or du Commun, Convok, Crapulax…

D : J’adore aussi Hamza et Damso. Mais le truc marrant, c’est que je ne comprends rien !

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Woodie, Coely, DVTCH, vous qui rappez en anglais, c’est une plus-value ?

W : A l’oreille, ça sonne mieux, c’est sûr. C’est peut-être pour ça que je n’écoute que ça ! Souvent, les gens préfèrent l’anglais.

D : Ils ont plus facile à l’avaler, à le digérer.

Co : C’est plus international, ça convient mieux pour mes chansons. Après, tout dépend des personnes et aussi de l’état dans lequel tu es quand tu écoutes la musique !

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Le fait de rapper en français, et pas en anglais, n’est-ce pas un handicap pour se faire encore plus connaître ?

JJ : A partir du moment où l’anglais est la langue la plus parlée, bien sûr que t’as plus de public.

Ca : C’est une équation simple à faire !

Sen : Si t’es francophone mais que t’as un parfait anglais, vas-y mon gars !

D : C’est sûr que l’anglais, une grande partie des gens le comprend. C’est bien plus difficile pour le français.

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Dans le rap francophone, en Belgique, vous vous connaissez tous, c’est très convivial, familial.

Ca : Oui mais c’est comme partout. Après, on n’est pas spécialement amis. C’est comme au boulot, tu connais tout le monde, mais ce ne sont pas tous tes amis, ça reste tes collègues.

R : Oui mais il y a moins de compétition qu’en France.

Ca : Oui mais c’est plus petit. On très beaucoup à être basé à Bruxelles. Même ceux qui ne sont pas de Bruxelles, c’est jamais très loin. En France, les rappeurs ils viennent un peu de partout. Et Paris, c’est géant.

Sey : Mais c’est bien de souligner que c’est familial. J’ai l’impression que c’était moins le cas avant. Il y avait moins de connexion entre les groupes. Dans La Smala, on a tous fait des feats avec beaucoup de groupe de rap en Belgique.

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Pourquoi c’était moins le cas avant ?

Sey : Avant les gens ils étaient repérés par des maisons de disques, ils signaient un album, ils faisaient ce qu’on leur demandait de faire, etc. Il n’y avait pas Facebook et tous les réseaux sociaux. Beaucoup moins d’événements raps aussi. Il y a les mentalités aussi.

Sen : Que tu le voulais ou non, le truc qui a ouvert les mentalités, c’est internet. A partir du moment où t’as contact avec d’autres rappeurs beaucoup plus facilement, tes potes qui partagent des trucs sur les réseaux, tu kiffes, tu partages, le truc se fait. A l’époque, tu n’avais pas ça.

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Pensez-vous que le rap belge francophone est au rap français, ce que le rap anglais est au rap américain ? Une sorte de petit frère, sous-estimé.

Ca : On est de moins en moins sous-estimé. Donc, je ne dirais pas sous-estimé. Et on a de moins en moins cette étiquette de petit frère.

JJ : Bien sûr, c’est plus petit. Mais on peut en quelque sorte le comparer au cinéma. Les Frères Daerden, François Damiens, Poelvoorde, les Belges s’exportent bien ! Stromae, Selah Sue pour rester dans la musique… Même en foot ! Le Belge a la cote en ce moment.

Sen : L’écart se réduit grâce à internet.

R : Aujourd’hui, ça devient intéressant pour le Français. « Ah un rappeur de Bruxelles, y a un truc ». On les intéresse de plus en plus.

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Et concernant le rap flamand et bruxellois néerlandophone, peut-on les considérer comme les « petits frères » du rap hollandais ou américain ?

W : Tout vient des Etats-Unis. La majorité des trucs qu’on fait, ça vient de là bas. Même les Français, les Allemands. Dès que les Américains commencent un truc, on le fait tous !

Co : C’est vrai qu’il y a une influence importante des Etats-Unis. Mais parfois, il y a des trucs totalement à part qui ressortent.

D : Je pense que oui. Mais on crée maintenant notre propre style, notre propre truc à nous.

O : On peut dire que oui si on le compare à la scène en Hollande qui est renommée et qui existe depuis 20 ans. Ce serait un honneur d’aller retourner jouer en Hollande. On est Bruxellois, mais si tu regardes en Flandre, c’est le rock etc. qui occupe la première place. Le rap est bien derrière.

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Vous vous sentez sous-estimé ?

O : Oui, un peu de temps en temps. Mais je sens que ça va changer dans les prochaines années. Quand tu regardes les jeunes aujourd’hui, ils adorent le hip hop et la culture. Avant c’était le skate, le punk etc. Ça va changer.

W : Non, aujourd’hui, les gens savent qu’on fait de la bonne musique en Belgique.

Co : On fait chacun notre truc de notre côté. Il y en a qui rappe en anglais, d’autres en néerlandais. Déjà ça, on propose un choix que tu n’as pas vraiment ailleurs. Et dans le rap belge en général, tu peux même rajouter le français.

D : Moi je pense que oui, beaucoup. Mais pas dans le monde du hip hop, bien au- delà. Les gens sous estiment le hip hop. Il n’a pas la même place que le rock ou la pop. On ne supporte pas assez le hip hop en Belgique. On n’a pas assez de plateformes dans ce sens. Pas de radio hip hop, télé hip hop, journaux hip hop, etc. Il en faut plus pour pousser le mouvement.

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Le rap belge ne manquerait-il pas d’une grosse figure de proue pour tirer la machine ?

Sey : Cette figure de proue, il faudrait d’abord qu’elle arrive elle-même à se porter toute seule avant de porter les autres. Et c’est pas encore vraiment le cas. Parce que les médias ne jouent pas le jeu. Parce qu’aujourd’hui, en Belgique, c’est

hyper compliqué de vivre rien que du rap. Il n’y a pas encore un rappeur belge sur lequel tu peux dire « lui, il est à l’accomplissement de sa carrière. Lui, c’est bon, il a réussi. »

D : Mais c’est bien d’en avoir une. Avoir quelqu’un qui, quand tu l’écoutes, tu te dises « il est trop fort, je veux essayer de faire comme lui ».

O : Il manque quelqu’un que tout le monde respecte, même si on n’aime pas, qui inspirent. Comme en Hollande avec Opgezwollen ou un Kendrick Lamar aux USA, où tout le monde voit que c’est possible. Ça pourrait nous aider, ça pourrait nous pousser, dans le bon sens du terme.

Co : Moi, je ne pense pas. On arrive bien à se pousser seul. Il y a toujours des noms qui se démarquent mais c’est grâce à leur boulot.

JJ : Je pense que ça ne sert à rien qu’il n’y ait qu’une seule personne. Il peut y avoir une locomotive pendant 6 mois, puis une autre, puis une autre. Je pense qu’on est un tout. Après, ça peut être plus simple pour les gens de mettre un nom sur toute une génération.

Sey : On est dans l’éphémère. C’est très difficile de dire qui pourrait être le vrai numéro un dans cinq ans.

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La scène trap fonctionne super bien à l’heure d’aujourd’hui. Dans la trap qui se fait en Belgique, y a-t- il un truc qui fait sentir que c’est du rap belge ?

W : Pour moi non. Quand t’écoutes, tu dirais pas que ça vient de Belgique. Ils font un son international. Ça sonne purement américain. Mais ils rappent en français.

D : C’est vrai. Tu ne pourrais pas dire qu’ils sont Belges. Ce qu’ils font, c’est vraiment bon. Mais ça pourrait venir de France.

JJ : Hamza, Damso, ils ont un truc, tu reconnais directement que ce sont eux.

R : Hamza, il a un style purement américain, mais tu sais que c’est belge.

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Pourquoi ?

Ca : Il rappe en français quand même. Mais surtout il utilise des expressions belges, bruxelloises. Mais dans la forme, c’est à l’américaine pure et dure.

Sey : C’est vraiment dans leurs expressions.

Sen : S’il te parle de Gordon 12/12, t’as compris.

JJ : C’est plus un vocabulaire. Quand je vois Damso, il représente Bruxelles tout le temps. Mais en fait, c’est surtout une question à poser à ceux qui nous écoutent !

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La gent féminine dans le rap belge, ça dit quoi ?

Co : Ça me fait rire, dans les concerts, je suis toujours la seule femme. Mais je veux mettre la patate et qu’ils passent une bonne soirée. Et les retours sont positifs. Les gens pensent que les rappeuses, c’est toujours la même chose mais moi j’aime bien étonner les gens !

Ca : Y en a eu, mais sans leur manquer de respect, ça n’a pas été assez impactant.

Sen : C’est un milieu d’hommes, c’est un peu machiste le rap.

R : C’est proportionnel. Quand tu regardes le nombre de gars qui réussissent aux States, en France, il n’y a pas beaucoup de femmes. Aux yeux de l’extérieur, on arrive seulement. Normal qu’il n’y ait pas encore beaucoup de nanas. Mais des

meufs qui font du hip hop, j’en connais plein !

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Dans le futur, en Belgique, vous mettriez vos billets sur quel prodige en puissance ?

R : Le Dé. C’est mon gars sûr de Liège. Il est sur le label La Brique. Il taffe depuis un petit moment.

Sen : Moi je dis Yanso. Il est vient de Bruxelles et il est trop chaud.

Co : Roméo Elvis je pense qu’il va devenir encore plus important après.

Ca : Seven, du groupe JCR, il va arriver tellement fort. C’est notre gars de l’ombre. Il a sorti un album mais là il est encore plus chaud, plus prêt à tout. Il va faire du bruit.

O : A part Zwangere Guy, je vois pas. (NDLR : son alter ego)

W : K1D. Je rappe beaucoup avec lui, il a un énorme potentiel. Il est très fort ! Tout le monde devrait parier sur lui. Il apporte son propre truc et c’est lourd.

D : Ouais, K1D c’est le futur !

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Qu’est-ce qui pourrait tuer le rap belge selon vous ?

Ca : Rien, c’est trop tard. Il est né, il est invincible.

JJ : C’est trop tard maintenant, impossible de le tuer.

D : Les simples imitateurs du truc qui marche. Il faut sans cesse des gars qui apportent un truc de nouveau.

Sen : Ouais, il faut pas tout le temps faire la même chose. Il faut se renouveler. Et surtout il faut être curieux !

Sey : Moi je pense que cela pourrait se passer si le hip hop en général descendait. Si un nouveau courant musical apparaît et que les jeunes kiffent. Car aujourd’hui, c’est le rap qui rassemble les jeunes.

O : Ceux qui ne connaissent pas les racines du hip hop. C’est très important de savoir d’où ça vient. Le manque de culture hip hop, ça peut tuer le rap.

R : Le rap luxembourgeois. C’est la frontière. Quand on va se rendre compte qu’il y a un truc de fou là bas… (rires). Mais sinon les Suisses. Ça ne va pas nous tuer mais ils sont chauds. Ils peuvent vite retourner le jeu.

Co : Si on devient vraiment les uns contre les autres. Si ça devient comme ça, là c’est foutu. Mais en Belgique, pour le moment, il n’y a pas ça. Même si on ne fait pas de featurings ensemble, qu’on rappe en anglais, en néerlandais ou en français, on se respecte. C’est important.

W : Si les gens arrêtent de travailler ensemble. Il faut continuer à travailler dur. Si tu vois aux Etats-Unis, ils travaillent tous ensemble. Les Etats-Unis, c’est le modèle. Le hip hop prend une place énorme là bas. Il y a des clubs qui ne diffusent que du hip hop, des stations radios qui ne jouent que du hip hop, etc. ça n’existe pas ici. Le hip hop c’est une culture, ça rassemble. Pourquoi pas ça ici ?

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